Ils ont tué Lolong



Lolong mesurait 6,17m...


Le puissant Lolong, vieux saurien mangeur d'hommes est mort. Mort de rien. 


      Le majestueux crocodile philippine avait été capturé difficilement, puis transporté dans un zoo indigne pour y finir ses vieux jours comme un trophée vivant. Une manne pour le tourisme local.

      Exposé dans une minuscule ridicule mare artificielle, sans aucun endroit où se cacher, sans espace pour nager ni même flotter...

      Quitte à le garder emprisonné (cela est contestable, mais si  s'il n'y avait réellement pas d'autre option), pourquoi n'avoir pas conçu un bassin plus moderne, plus vaste et plus en phase avec nos connaissances de l'écologie de ces animaux, plus respectueuse, plus humaine en somme? Une installation qui n'aurait certainement pas valu la liberté et la coexistence, mais une solution bénéfique aux deux espèces? On aurait pu sans trop de peine imaginer un bassin d'allure sauvage d'une cinquantaine de mètres de diamètres, enclos de béton, avec éventuellement une passerelle. Le bassin aurait eu une certaine profondeur pour que Lolong pût y nager et disparaître, et il aurait été ceint d'une végétation luxuriante, avec de nombreux troncs naturels et des cachettes. Il y aurait eu des poissons et des batraciens, des oiseaux dans les branchages, une plage, où Lolong se serait exposé lui-même de temps à autre à la vue du public, en venant se nourrir ou prendre le soleil. Cela n'aurait pas coûté bien cher... Et pour un peu plus, pour celui qui serait vite devenu un symbole national, on aurait pu ajouter un genre de sas, où attirer l'animal pour lui administrer des soins si nécessaire, en toute sécurité pour les hommes et sans stress pour le crocodile.

      En définitive, qu'il s'agisse d'un enclos à félin, serpent ou crocodile, le spectaculaire animal ne serait pas visible tout le temps, de n'importe où. Il faudrait mériter quelque peu sa vision, mais celle-ci n'en serait que plus impressionnante, comme un terrible cadeau, un accès au mystère primitif (une illusion!). Comme toujours, et à l'instar des visites de monuments, de parcs naturels, de spectacles grandioses, il suffirait d'une vision moins mercantile pour contenter dix fois mieux TOUS les visiteurs. Vouloir attirer le plus de gens possibles en le moins de temps possible est un calcul absurde: il est irrecevable d'un point de vue éthique, tandis qu'il rapporte moins d'un point de vue bassement capitaliste, j'en mettrais ma main au feu. C'est le calcul des promoteurs à la petite semaine, d'esprits étroits dénués de visions et de caractère. De gens qui n'aiment tout simplement pas l'objet de leur trafic mesquin -des boutiquiers en col blanc. Il ne s'agit pas d'élitisme, comprenons-nous bien: le privilège de la "rencontre" ne reviendrait pas systématiquement à ceux qui mettent le prix, ni même à ceux qui ont le plus de chance, où fait la queue le plus longtemps. Il appartiendrait à ceux qui ont réellement envie de cette rencontre, à ceux qui en mesurent le prix sans qu'il leur soit vanté par la publicité, par l'exemple bêtifiant de l'engouement général, des chiffres de l'affluence ("déjà cent mille visiteurs!", "vu à la télé"). Ceux qui visiteraient le Mont Saint-Michel parce qu'il est splendide et parce qu'il les attire. Il y aurait donc beaucoup, beaucoup moins de visiteurs. Ce serait pourtant un nombre conséquent, suffisant pour entretenir durablement l'économie du lieu et faire vivre la communauté locale.
      A quoi bon courir après le maudit Développement? Attirer toujours plus de touristes, de béton, de concurrents, d'aménagements et d'artifices?


◄ Article du journal Sud-Ouest, sur la mort de Lolong

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