Deep Blue

"Give me five!" Le biologiste Mauricio Hoyos s'aventure hors de sa cage pour toucher Deep Blue, l'un des plus grands requins blancs jamais filmés.


La vidéo d'un énorme requin fait soudain le tour du net: on y voit une femelle requin blanc de plus de 6 mètres, baptisée "Deep Blue", inspecter la cage du biologiste mexicain Mauricio Hoyos, dans les eaux de l'Ile de Guadalupe, en Mer de Cortez.


11/06/14
      Au moment où par millions à travers le monde, les spectateurs s’enferment dans les salles de cinéma pour assister au barnum Jurassic World, cette fabuleuse apparition a quelque chose de réconfortant.
      Par contraste, il est certes désolant d’observer la fascination que suscitent invariablement les monstres virtuels du cinéma, en comparaison du faible intérêt que rencontrent parmi les enfants et journalistes les créatures avec lesquelles nous partageons notre bref séjour, qui dans le cas des requins blancs, ne sont guère moins spectaculaires et ne sont en tout cas pas moins anciennes que les tyrannosaures.
      On trouve toutefois certain réconfort à constater qu’il existe encore  des individus aussi imposants et majestueux que ces squales et reptiles géants qui surgissent de temps à autre sur internet, le temps d’un buzz, avant de replonger en toute discrétion parmi leurs immenses et secrets territoires.
      Qu’il s’agisse d’un puma ou d’un crocodile marin, le grand prédateur joue au moins deux rôles majeurs dans la vie d’une région naturelle, et même d’une terre moderne , peuplée d’hommes et de télévisions. D’un point de vue biologique, il garantit l’équilibre d’un écosystème. D’un point de vue poétique ou culturel, il transcende par sa seule présence les paysages et les communautés vivantes.* 
      Varans et jaguars, ours et anacondas ont ainsi longtemps instillé par les cultures les plus anciennes une crainte respectueuse teintée d'admiration. De tels animaux furent même élevés au rang de divinités, de héros frayant avec les humains supérieurs. 

      Carnivores ou non, certains animaux rares ou emblématiques contribuent grandement à la magie d’une région sauvage. Leur disparition appauvrit plus sûrement un pays que le sac de ces minerais précieux.
      Prendre conscience, bien que je n’en sois témoin, qu’un clan de blaireaux habite ce bois que j’aperçois par la fenêtre. Songer qu’un minuscule archaïque lépisme glisse dans la pénombre de la cuisine, quand la maisonnée dort, ou qu’une larve de libellule chasse depuis trois ans au fond du petit bassin. Tout cela m’étonne et me ravit. Cela n’est pourtant rien en comparaison du sentiment grisant, antique, qui nous étreint puissamment ou nous enrobe comme un voile de mystère et d’étrangeté plus vieux que nos parents, nos grands-parents et cette ville d’où nous émanons, lorsque nous décelons tout-à-coup l’aura d’un prédateur légendaire. Savoir qu’il y a des ours bruns en maraude dans les Pyrénées, malgré les quatre-voies et les stations de ski ...qu’il y a sous la surface des mers, labourée par les supertankers, des requins et des calamars abyssaux, des régalecs étranges. Qu’à l’ère des instruments high-tech et du béton roi, d’antédiluviennes créatures chassent et patientent, dissimulant leur corps superbe et monstrueux tout près, parfois, des foyers de l’Homme. Puma sur les hauteurs de la fourmillante Medellín. Salamandre géante dans un canal japonais, au bord duquel s’époumonent les joggers, casques sur les oreilles. Puissant crocodile tapi dans les marais philippins, tout près des cabanes sur pilotis. Qu’une harpie féroce embrasse en ce moment même de son regard splendide une canopée lointaine, en quête de singes. Leur seule existence donne aux paysages leur valeur. Que serait l’Inde sans ses tigres ? Que vaudrait la Méditerranée sans requins ?
      Tant de formidables prédateurs, de totems révérés, d’icônes priées, n'ont pas survécu à notre règne sanglant. Nos contes sont encore peuplés de ces monstres invraisemblables. Des animaux bien réels, d'os et de chair, côtoyés hier par nos ancêtres, sous toutes les latitudes. Triste liste: aigle de Haast, thylacine, lion de l’Atlas, lion grec, ours anglais, rythine de Steller, varan géant, aepyornis...



      Comment ne pas honorer de tels animaux? Comment demeurer insensible, ne pas se battre pour que nous survivent les majestueuses espèces restantes? 


Le loup qui reconquiert progressivement les campagnes et forêts de France, des Alpes dépeuplées jusqu'à la Bretagne civilisée, en est un parfait exemple. Canis lupus enchante la nuit comme aucune autre espèce européenne, par la seule rumeur de sa présence. Il n'est même pas nécessaire de le voir ou de l'entendre (quelle bénédiction ce serait!), car savoir qu'il est là, quelque part, savoir qu'il est seulement possible de l'entrevoir suffit au bonheur de tout amoureux de la nature.. Aspect moins romantique, la bête légendaire dynamise l'écosystème où il retrouve sa place de grand prédateur, au sommet de la chaîne alimentaire. En régulant de manière efficace et gratuite les populations de chevreuils et de sangliers goulus, il élimine au passage l'alibi des fusils, s'occupant fort bien d'améliorer la sécurité routière et de protéger les cultures.

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