Rien qu'une coque

Un fossile de coquillage, ramassé quelque part en Aragon. 

7/03/2018

Ce n'est plus vraiment l'animal lui-même, la petite chose que je contemple dans ma main. C'est une coquille vide -vide de chair, pleine de pierre. D'avantage une suggestion qu'une preuve d'existence, un peu comme une croix sur un tas de pierres. Le fossile n'a d'ailleurs aucune valeur financière: c'est un caillou qu'on ramasse sur le chemin du village. Une banale coque, identique à celles qu'on trouve par kilos au rayon poissonnerie.


Nuages d'Aragon. Gouache. Par Raphaël Etc.
Je la chéris pourtant comme un trésor. Elle gisait là, ronde, parfaite, sur le sol nu. On aurait juré qu'elle venait de se refermer, ne demandant qu'à être plongée dans un bol d'eau pour revivre. Comme si le bivalve mort il y a plus de 200 millions d'années venait tout juste d'être récolté, sur la grève à marée basse.

Je ne la nettoie pas complètement, pour conserver la boue ocre qui poudre encore sur la pierre. Elle me rappelle la terre mystérieuse et l'atmosphère immobile et lourde d'Aragon. L'orage comme suspendu au loin. Les flaques asséchées, l'argile craquelé où s'imprime le trot d'une chèvre sauvage;

La coque fossile roule dans la paume de ma main, anormalement lourde. Au loin, sur les reliefs calcaires et assoiffés, piquetés d'une infinité tenace de romarin et de thym en fleurs, les nuages roulent eux aussi, hypnotiques.

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